mardi 21 avril 2015

La Stiftung Stadtmuseum Berlin : cinq espaces d'exposition pour un grand musée Berlinois



À la réunification, une douzaine de musées berlinois ont fusionné pour donner naissance au Stiftung Stadtmuseum Berlin. Cette fondation comprend le Märkisches Museum, principal musée de l'histoire de la ville mais également quatre autres espaces d'exposition :

La Nikolaikirche est l'un des plus vieux et emblématique bâtiment de Berlin. Située en plein centre de la ville, l'église s'est transformée en musée en 1987, après sa reconstruction (elle était en ruines suite aux bombardements de la seconde guerre mondiale). Aujourd'hui, elle abrite des espaces d'exposition mais sert également pour des concerts.

Le palais Ephraim existe depuis le 18e siècle mais son histoire est intimement liée à la scission de Berlin pendant la guerre froide. En effet, des morceaux de la façade du bâtiment conservés à l'Ouest nourrissent d'abord un projet de reconstruction du palais côté Ouest en 1982. Finalement, le projet est abandonné et l'Est récupère les éléments détenus à l'Ouest par un échange de biens culturels. Aujourd'hui, il est utilisé pour les expositions temporaires du Märkisches Museum.

La Knoblauchhaus est une bâtisse à l'intérieur  typique du 18e siècle. Appartenant à l'origine à la riche famille Knoblauch, elle fait désormais partie du  Stiftung Stadtmuseum Berlin. Enfin, le Museumsdorf Düppel est un musée de plein air reconstituant un village médiéval, dans lequel les visiteurs découvrent les façons de vivre des siècles passés mais peuvent également participer à de nombreux ateliers.

Avec le Märkisches Museum, on compte donc cinq espaces d'exposition pour le musée de la ville de Berlin, qui aujourd'hui étudie un projet de fusion de ces cinq espaces en un seul ! 
Rozenn Poupon

Märkisches Museum : deux cultures en dialogue pour créer un seul musée


Installé dans un bâtiment atypique, à l'architecture spécialement créée pour lui, le Märkisches Museum est le musée de la ville de Berlin (http://www.stadtmuseum.de/maerkisches-museum-0). Nous y avons été accueillis par le Docteur Claudia GEMMEKE, qui nous a fait visiter ce bâtiment à l'histoire riche et mouvementée.

Sa création remonte à 1901 (il a été achevé en 1908), et il est détruit et reconstruit après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Quand le mur de Berlin est érigé, le musée devient celui de Berlin-Est. À l'Ouest, les berlinois n'ont ni collections, ni musée, et décident de bâtir le Berlin City Museum. À la chute du mur en 1989, on ne sait que faire des deux musées, et c'est finalement en 1995 qu'ils sont tous deux fusionnés (avec 11 autres « micro-musées » de la ville).

La réunification a deux effets singuliers : d'une part un afflux de personnel, et de l'autre une augmentation impressionnante des collections. En effet, la fusion des musées voit arriver plusieurs professionnels par poste, et le musée décide de ne licencier personne, simplement de ne pas remplacer les personnes à leur départ. La nouvelle institution se trouve dotée d’une collection immense : 5,5 millions d'objets ! On y trouve notamment des tableaux, photographies, de la vaisselle, et objets symboliques comme par exemple le globe terrestre qui aurait été (un doute subsiste !) dans le bureau de Hitler.

Faute de pouvoir faire appel à une mémoire partagée les collections très éclectiques sont disposées de façon à inviter le visiteur à suivre un parcours topographique : aux lieux symboliques de l'histoire berlinoise sont associés des objets.

Excentré par rapport aux autres musées de la ville, le Märkisches Museum reste cependant par le biais de ses collections mais aussi de son histoire et celle de son bâtiment une étape intéressante pour comprendre l'histoire de la ville frontière qu'a été Berlin. 
Rozenn Poupon

vendredi 17 avril 2015

DER BLITZ – L'ECLAIR



Un espace qui permet d’incarner l’absence
 
            Surnommé ainsi par les Berlinois, le musée Juif résulte d'un concept scénographique complexe et lourd de sens porté par l’architecte Daniel Libeskind. Le bâtiment du musée, ouvert en 2001, revêt des parois de zinc et de bétons, aux césures vives, aux angles cassants et aux lignes tortueuses, lui donnant la forme d'un éclair.
  Passé l'entrée, le visiteur descendu sous terre, est en immersion. Dès lors, nos sens, nos repères et notre orientation sont mis à l'épreuve. L'espace s'ouvre sur trois grands axes préfigurant la continuité, l'exil et la mort, dont seul le premier mène à l'exposition permanente située aux étages.    
   L'architecture est alors au service de la mémoire de ces événements vécus par les juifs allemands et rend palpable ce qui ne peut être dit ou montré: les sentiments et le ressentit. Le visiteur erre dans des couloirs déstructurés aux sols penchés, aux jeux de lumières et d'ombres saisissant débouchant sur des dispositifs étonnants, que sont la tour de l’holocauste et le jardin de l'exil. L'installation «  Voids » de l'artiste israélien M. Kadishman ponctue aussi le parcours. Particulièrement bouleversante, le visiteur est amené à marcher sur une étendue de disques en fer, reprenant des expressions douloureuses de visages humains. Le moindre pas du visiteur entraîne alors une sonorité de fer entrechoqué, amplifiée par la hauteur du plafond. Tout en le plaçant dans un environnement instable où il peut perdre l'équilibre. Ces trois dispositifs sont les points forts de la volonté de l'architecte : « Faire prendre conscience de la tragédie des expériences vécues par les juifs en Allemagne par le biais d'une architecture imposant physiquement un choc aux visiteurs. »
  L'exposition permanente, retraçant l’histoire de la communauté juive allemande et son apport déterminant à l’histoire de Berlin s'est adaptée au lieu, qui perd alors un peu de sa force. Seule une cage d’escalier magistrale y menant garde cette force. Des poutres traversantes, posées irrégulièrement, semblent peiner à garder l’écartement de parois qui conduisent à une issue murée, inachevée qui contraint le visiteur à redescendre quelques degrés pour accéder à l'espace muséographique en contrebas.
   Une visite déroutante et forte de sens.
Leslie FARDIN



Expérience de la frontière : Le « palais des larmes »




Jusqu’au 1er juillet 1990 le poste de contrôle de la police des frontières d’Allemagne de l’Est qui flanque la gare berlinoise de Friedrichstrasse a été l’un des rares points de passage entre les deux Allemagne. Théâtre d’un contrôle humiliant et sans faille cette architecture paradoxale qui magnifie la transparence pour mieux occulter l’opacité de l’organisation sécuritaire a été surnommée le « Palais des larmes »
Racheté par le land de Berlin, protégé au titre des monuments historiques en 2003, restauré et devenu lieu de mémoire en 2011 le bâtiment se présente aujourd’hui  comme l’ un des centres d’interprétation du vécu quotidien de la séparation des deux Allemagne et du système policier totalitaire mis en place par le Parti socialiste unifié de la République Démocratique.  Il constitue l’une des contributions de l’État fédéral à la polyphonie mémorielle berlinoise des années 2000.
Puisant dans les 20 ans d’expérience de la Maison de l’Histoire de la République fédérale de Bonn la présentation vivante allie objets et surtout documents dans un parcours scientifique rigoureux. Le visiteur est ainsi amené par la médiation de nombreux témoignages et exemples concrets à  découvrir les étapes du contrôle des voyageurs, les techniques d’espionnage et de surveillance employée par la Police d’Etat (STASI), son organisation et la formation de son personnel, l’impact sur des trajets  de vie d’anonymes ou de personnalités célèbres comme le chanteur  Wolf Biermann. Au-delà des grands idéaux le recours aux témoignages permet de mettre en valeur le rapport humain à la frontière- coupure et son impact parfois dramatique sur les destins individuels ou familiaux de deux générations.
La présentation peine cependant à incarner la volonté  politique d’universaliser la séparation allemande. L’Histoire s’arrête ici aux frontières de l’actuelle République fédérale et peine à faire l’interface pour un public qui ne serait pas concerné ou averti. 
Benoit Bruant

vendredi 10 avril 2015

Topographie des Terrors : refus citoyen de l’oubli



 À Berlin, la Prinz Albrecht-Straße fut, durant toute la Seconde Guerre mondiale, une des rues les plus connues d’Allemagne et acquit une sinistre aura pour toute l’Europe, en incarnant la terreur nazie. Située en plein cœur du quartier gouvernemental du IIIeme Reich, où se trouvait la chancellerie d’Hitler et les ministères, le n°8 abritait le quartier général de la SS, non loin des Services de Renseignement et de la police d’Etat (Gestapo). En 1945, à la suite des bombardements, la majeure partie de ces bâtiments ont été détruits puis entièrement rasés en 1954. Le lieu fut alors laissé à l’état de terrain vague, jusqu’à ce que de nombreuses voix s’élèvent parmi les berlinois afin de ne pas oublier la sombre histoire de cette partie de la ville. C’est grâce à la mobilisation de nombreuses associations et à la mise en place d’actions citoyennes en 1987, que des fouilles permirent de retrouver la trace des sinistres sous-sols de la Gestapo. Accompagnée d’une première exposition en plein air permettant ainsi de se remémorer que c’est à cet endroit qu’a été pensé la planification d’un des plus grands systèmes de terreur et de répression que l’Europe est jamais connu. Cela a permis également de ne pas oublier les milliers de prisonniers torturés de 1933 à 1945 dans les 38 cellules que comprenait le site.
En 2010 elle a fait place au centre d’interprétation et de documentation Topographie des Terrors. L’exposition permanente est consacrée à la question de la prise du pouvoir par les nazis et à l’organisation de la terreur, de l’extermination et de la répression dans toute l’Europe. Cette adresse, rebaptisée Niederkirchnerstraße en hommage à une résistante allemande, est désormais incontournable dans le paysage mémoriel allemand. Tout cela n’a été rendu possible que par l’intense engagement de quelques berlinois qui permettent ainsi la transmission critique de cette terrible mémoire européenne. Une attitude positive qui ne peut qu’enrichir les citoyens français.
Laura Fawer


Topographie de la terreur


Boite minimaliste aux parois de verre, le centre de documentation Topographie de la Terreur est situé à l'emplacement des siège de la SS (sécurité intérieure, renseignement, maison d’arrêt) et de la Gestapo, intégrant le centre névralgique de la politique de persécution et d'extermination du régime national-socialiste.

En résonance avec les lieux, le centre d'interprétation revient sur tous les crimes commis par les institutions centrales de la SS à travers l'Europe. De nombreuses photos et documents fac-similés issus de ces services forment l'exposition organisée en thématiques et éclairée par le point de vue des « bourreaux ».

La transparence du centre d’interprétation, dues aux choix de l'architecte, offre une résonance entre certaines photos exposées et l’environnement berlinois actuel, dont les anciens bâtiments ont partiellement disparus ou ont été réhabilité. Véritable écho entre le passé des lieux et le monde extérieur contemporain, le visiteur devient alors acteur de sa visite : libre à lui d'effectuer ce parallèle. Il n'a plus qu'à tourner la tête vers l'extérieur pour réaliser le lien.

Outre cette institution, quelques vestiges et non des moindre assurent également la mémoire de ces lieux. Le terrain abrite un pan du mur de Berlin ainsi que les fondations de l'ancienne prison de la Gestapo. Valorisées et protégées par une coque en verre, ces fondations sont le résultat de fouilles effectuées sur le site en amont de la construction.

L’établissement  est né d'une initiative citoyenne. A l’occasion du 750ème anniversaire de la ville en 1987 une première exposition a permis de mettre en valeur des cellules découvertes dans les sous –sol fouillés par des bénévoles opposés à la réutilisation des lieux détruits par les bombes alliées et effacés par la politique urbaine de la reconstruction. Bien connus des personnes ayant vécues ces années sombres de l'histoire allemande, ce site été jugé d'une importance nationale et internationale tant pour sa place dans l’organisation de la terreur voulue et planifiée par le régime hitlérien que dans celle de la Résistance allemande en regard des 15 000 personnes qui y ont été internées par le police d’Etat.

Une visite en immersion pour apprendre à mieux connaître le processus de persécution pensé et initié par le Troisième Reich : propagande, terreur et organisation sont les maîtres mots de ces lieux.

                                                                                                                                           Leslie Fardin